extraits…

» Un bruit sourd. Un craquement bref. Je sens mon pied droit glisser, puis tout mon corps basculer en arrière. Je traverse le Plexiglas comme on passe au travers d’une fine couche de glace. En une fraction de seconde, je tombe dans le vide. Huit mètres me séparent du sol. Pas le temps de réfléchir, pas même de crier. Ma main gauche frôle le rebord du puits de lumière, trop vite pour m’y accrocher, juste assez pour modifier ma trajectoire. Je plonge tête en avant. Mon bras droit se tend instinctivement. Le réflexe de survie a parlé. Tout se joue en une poignée de secondes.
« Puis, c’est le choc.
La violence de l’impact me coupe du monde. C’est comme si le film de ma vie s’était figé sur une image. Je suis allongé au sol, sur le dos, les yeux fixés vers ce trou béant dans le plafond, d’où filtre la lumière. J’entends à peine les bruits autour de moi. Mon esprit est dans une brume dense. Je dois me relever, maintenant. Vraiment. Je l’ai décidé intérieurement. Mais rien ne répond. Je tente de bouger les orteils. J’y parviens. Les doigts de la main gauche aussi. Mais tout le côté droit semble avoir disparu. Je ne ressens rien d’autre qu’une douleur immense, sourde, animale. Ma bouche a un goût de fer.
Je suis épuisé tout d’un coup, comme si une lourde charge venait me recouvrir, je n’ai plus qu’une envie : fermer les yeux et m’endormir. Je refuse pourtant de me laisser aller et je tente de tout mon être de résister à la soudaine fatigue qui m’envahit et à la douleur.
Je me souviens très bien m’être senti seul.
Profondément seul.«
– Jean-Pierre Triadon – Extraits – Tomber et savoir se relever